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La galerie "Le Fil Rouge", à Roubaix |
Après les mers du Sud, direction les plaines glaciales du grand Nord ;-) !
J'ai en effet passé le week-end chez des amis de la région lilloise et en ai profité pour aller voir l'exposition
Vanitas vanitatum omnia vanitatum dont je vous ai parlé la semaine dernière.
Mon dieu, quel froid ! Brrr... Heureusement, les gens du Nord sont très chaleureux et je me serais vraiment cru à Tahiti, côté relations humaines bien sûr...
Petit reportage photo express :
Commençons par quelques céramiques emblématiques de Marc ALBERGHINA, que vous pourrez admirer au Fil Rouge jusqu'au 9 mars prochain :
- "Usine I", 2010 (L. 80 cm, l. 40 cm, h. 60 cm) :
- "Virus", 2010 (L. 100 cm, l. 23 cm, h. 50 cm) :
- "Saint-Sébastien III", 2012 (L. 140 cm, l. 50 cm, h. 95 cm) :
- Quelques crânes superbement émaillés créés spécialement pour l'exposition et qui feront probablement grincer les dents de certains vallauriens :
Personnellement, j'ai craqué pour l'exemplaire bleu (des mers du Sud ;-) à la mâchoire anthracite. Il y en avait 53 (l'âge de leur papa ;-), tous différents. Le choix ne fut vraiment pas facile !
Quant au célèbre "Festin" ou "Offrande" (2009), il était exposé en guest star au musée d'Art et d'Industrie André DILIGENT, plus connu sous le vocable de "La Piscine" :
Une oeuvre imposante (L. 100 cm, l. 57 cm, h. 76 cm), très forte et dérangeante pour certains, au point d'avoir été vandalisée en 2010 lors de la XXIe Biennale de Vallauris et depuis heureusement recréée par l'artiste.
Elle était de ce fait surveillée comme le lait sur le feu par un gardien tatillon...
Le flash étant interdit, voici une photo de pro (hélas inconnu), dénichée sur le Net :
C'est la première version de l'oeuvre, avant le drame.
Il y a environ deux ans, comme beaucoup d'amateurs, j'ai eu envie de
me frotter à la terre. Yves PELTIER, avec qui je m'en étais alors
entretenu, m'a conseillé de contacter un céramiste que je ne connaissais
pas : Marc ALBERGHINA. Il était dithyrambique à son sujet, m'assurant
que c'était le seul céramiste encore "valable" à Vallauris, qu'il était
très sympathique, qu'il donnait des cours, etc. L'oeil englué par la
céramique 50, je n'ai vraiment pas du tout "accroché" avec son travail,
découvert sur le Net, et oublié l'artiste jusqu'au jours où en me
baladant à Nice, en septembre dernier, je suis retombé sur son travail,
cette fois-ci "en vrai", à la galerie HELENBEKC. Ce fût alors un véritable coup de coeur : originalité, présence, symbolique, qualité de l'exécution, j'étais
littéralement envouté par les pièces que je découvrais. Comment ai-je pu
passer à côté d'une telle oeuvre ? La faute, sans doute, à la médiocrité de l'art de notre époque, qui m'a conduit à porter des oeillères, au risque de passer à côté d'oeuvres valables. Yves avait mille fois raison ! A
présent, je regarde la céramique contemporaine d'un autre oeil ;-) et
fais de temps à autre quelques infidélités à ma chère céramique 50...
Voici le remarquable texte qu'Yves PELTIER, alors commissaire de la XXIe Biennale de Vallauris, a écrit sur "Offrande" :
Avec Offrande
, Marc ALBERGHINA nous invite à être les
témoins d’un festin bien singulier. En fait il s’agit plutôt des restes
de pratiques qui se rapprochent plus de la notion de cannibalisme
qu’autre chose. Si cette œuvre s’inscrit donc dans l’histoire de nos
pratiques sociales qu’elle entend bien dénoncer ou en tout cas pointer
du doigt (le cannibalisme et ses formes modernes), elle fait aussi
référence à celle de la céramique et tout particulièrement au phénomène
"Vallauris". Là, le mercantilisme cannibale et décomplexé des
fabricants et des revendeurs de céramiques à l’esthétique kitsch
recouvertes d’émail flammé et "signées" à l’or et l’organisation d’un
tourisme de masse destructeur ont provoqué la décomposition d’une
aventure humaine et artistique bien connue des amateurs. C’est
justement à Vallauris qu’est installé l’atelier de Marc ALBERGHINA.
Charnier de nos comportements, de nos débordement et ambivalences, Offrande
est aussi le témoignage de nos peurs ancestrales, de nos angoisses face
à la mort, trop souvent et facilement éludées dans une société de
consommation avide d’esthétique facile et hypnotique. Dans un monde où
l’image de la beauté elle-même (produit organisé et manipulé) et où le
jeunisme et la séduction envahissent tous les champs de notre vie, cette
œuvre forte, dont les éléments sont érigés et mis en scène de façon
totémique, sonne comme un rappel de notre condition humaine. Une
condition trop volontairement évacuée de notre champ de réflexion et de
vie où la consommation permanente d’images trafiquées aussi factices
qu’édulcorées qui tiennent lieu d’icônes modernes faciles et gratuites
ressemble à s’y méprendre à un cannibalisme qui ne cache que trop bien
son nom sous des apparences soi-disant civilisées.
C'est aussi parce que j'ai beaucoup de mal à supporter la facticité de notre époque et que j'ai hélas bien trop conscience du temps qui passe, si bien décrits par Yves, que l'oeuvre de Marc m'a autant touchée, au point de très vite décider de l'acquérir.
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Séduire et horrifier : mission accomplie ! |
Pour en terminer avec le travail de Marc, je vous signale l'édition par Le Fil Rouge d'une intéressante petite plaquette, "Marc Alberghina - Séduire et horrifier", dont le texte est signé Frédéric BODET, assistant conservateur aux Arts Décoratifs.
A suivre...