Carlos FERNANDEZ (1905-1969)
Coupe à décor abstrait (1955)
Ø 19 cm, h. 4 cm
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L'arrivée d'une oeuvre d'un artiste non représenté dans ma collection est toujours un petit évènement, qui plus est lorsque la production de l'artiste en question est plutôt difficile à dénicher et l'objet en question pas un pis-aller.
Aujourd'hui, c'est au tour de Carlos FERNANDEZ, l'un des membres du "groupe des céramistes aixois", représenté par cette sympathique petite coupe au décor abstrait, un objet ayant appartenu au peintre et créateur de tapisseries Jean PICART LE DOUX.
Le groupe en question, actif autour des années cinquante du côté de la belle petite ville d'Aix-en-Provence, compte Jo et Jean AMADO, Daniel BEAUDOU, René BEN LISA, Léonie et Jean BUFFILE, Émilie DECANIS, Georges JOUVE, Cecil MICHAELIS, Frédéric et Philippe SOURDIVE (deux frères) et bien sûr Carlos FERNANDEZ.
Aujourd'hui, la plupart d'entre eux sont hélas bien oubliés et j'ai un peu l'impression d'être le "Pascal SEVRAN de la céramique 50" en vous en parlant :-).
Seuls un petit catalogue d'exposition devenu introuvable (1) et un excellent article d'Alain PAIRE, publié sur son remarquable blog, nous les font revivre.
Voici ce que ce dernier, ancien galeriste et fin connaisseur de la vie culturelle aixoise, nous apprend au sujet de Carlos FERNANDEZ :
"Pendant l'immédiate après-guerre, les arts du feu connurent une manière de résurrection, amplifiée par la création à Vallauris des Tanagras et des vases en forme de chouettes de Pablo Picasso. Autour d'Émilie Decanis, grâce à la venue d'anciens élèves des Beaux-Arts de Marseille, ou bien lors de l'installation de céramistes venus de Paris comme Jean et Denise Perrier, un creuset se développa. Carlos Fernandez (1905-1969) résolut d'apprendre pendant deux années l'art de la céramique sur le Cours d'Orbitelle où l'on pouvait croiser René Ben Lisa, Georges Jouve, Philippe et Frédéric Sourdive, les Buffile et Daniel Beaudou, un groupe d'amis remarquablement évoqués dans une publication éditée en 1994 par Vincent Buffile et le musée Granet.
Il était né en Bulgarie, parlait huit langues. Carlos Fernandez avait fait ses études en Belgique, en Suisse et en Italie. Ingénieur dans une fabrique de lampes, il s'installa à Paris. Engagé dans la Résistance, Carlos s'était réfugié en Provence. Il cachait des personnes menacées par les rafles des juifs, il aidait les parachutages des anglais. En 1943, il était obligé de passer la frontière avec toute sa famille pour s'en aller vivre à Barcelone où la vente de ses toiles lui permet de subsister. Carlos Fernandez fait retour dans le Midi en septembre 1945. Il habita jusqu'en 1961, avec son épouse Adèle et ses quatre enfants au Mas Alto, une maison édifiée en face du site d'Entremont, à trois kilomètres au-dessus d'Aix. Son apprentissage du Cours d'Orbitelle lui permit d'ouvrir en 1950 son propre atelier de céramique près du porche de la Cathédrale Saint Sauveur, au 17 de la rue Jacques de la Roque. Son atelier servait simultanément de boutique de vente.
Les histoires et les plaisanteries, la conversation de Carlos Fernandez attisaient une merveilleuse bonne humeur. Andrée Duby, l'épouse de Georges Duby qui enseignait alors l'Histoire médievale dans les locaux vétustes de l'ancienne Faculté des Lettres, autrefois domiciliée en l'Hôtel Maynier d'Oppède, me disait récemment combien son mari aimait s'attarder dans l'échoppe de Carlos. Les visiteurs et les clients affluaient pendant les semaines du Festival d'Art Lyrique de l'Archevéché pour lequel Adèle Fernandez, par ailleurs auteure de romans et de nouvelles, devint la responsable des costumes. L'atelier de Carlos se ferma en 1966, le mois d'août 1969 marqua l'ultime été de ce personnage convivial et chaleureux. Adèle Fernandez lui survécut longtemps ; elle partit beaucoup plus tard, en 1997, à l'âge de 90 ans. Dans l'une des pages de son journal personnel publié par les soins de ses enfants, on rencontre cette poignante réflexion : "c'est dur et difficile de penser seule quand on a pensé à deux pendant 36 ans".
L'article original (consacré à Jean AMADO) est ici et il est vraiment passionnant !
Revenons à notre objet pour évoquer sa signature : un simple monogramme, "CF", et la mention "aix", sous la base et au pinceau.
L'artiste signait le plus souvent ainsi, en y adjoignant quelquefois une colombe stylisée, ce qui ne facilite hélas pas l'identification de son travail, déjà très confidentiel.
Une céramique qui a encore une fois bien vite trouvé sa place tout à l'heure, accueillie par un beau rayon de soleil...
Inv. PM CF 1
(1) "10 céramistes aixois autour des années 50", musée Granet, Aix-en-Provence (10 juin - 30 septembre 1994)
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