mardi 2 décembre 2014

Escapade lyonnaise

Jacqueline DELUBAC (1907-1997)

Elle se levait avec PICASSO, déjeunait avec HARTUNG et dînait avec BACON !

Avec leurs oeuvres, bien sûr :-).

Elle, c'est Jacqueline DELUBAC, grande dame et collectionneuse hors pair à qui le musée des Beaux-Arts de Lyon rend un fort bel et émouvant hommage en ce moment via l'exposition "Jacqueline DELUBAC, le choix de la modernité". Un musée fort chanceux car la superbe et généreuse actrice lui a légué sa fabuleuse collection...

Une expo à voir absolument, vraiment, et que je ne voulais surtout pas manquer après la découverte de ce musée il y a quelques années, où j'avais pu admirer les principales oeuvres de la donation et qui m'avaient véritablement "scotché" par leur qualité.

Toutes les fées se sont penchées sur le berceau de Jacqueline DELUBAC, qui reçut beauté, intelligence, fortune, goût et longévité (elle mourut en pleine forme à l'âge de 90 ans, peu après avoir été renversée par un jeune cycliste alors qu'elle quittait la boutique Hermès rue du Faubourg Saint-Honoré pour se rendre chez Lanvin, à la recherche d'une jolie robe pour un bal ; chicissime n'est-ce pas ? :-) et on ne peut que ressortir groggy, fasciné et un brin mélancolique de cette plongée dans une vie si extraordinaire, cette belle époque étant malheureusement derrière nous...

Pour en revenir à la collectionneuse (l'exposition aborde aussi sa carrière d'actrice et sa vie privée, notamment avec Sacha GUITRY, son premier mari), elle disait simplement "J’ai un bon œil, j’ai eu le bonheur d’acheter des peintures de POLIAKOFF, FAUTRIER, DUBUFFET, qui étaient peu connus et j’ai la joie de les avoir acquises quand tout le monde se moquait de moi". C'est vraiment le moins que l'on puisse dire quand on voit le niveau de sa collection. Les bling collectionneurs sans goût de notre pauvre époque et leurs "art advisor" intéressés peuvent vraiment aller se rhabiller !

Si vous ne pouvez malheureusement pas faire le déplacement (vous avez jusqu'au 16 février pour cela), procurez-vous le catalogue car il est magnifique, passionnant et vous fera vraiment passer un bon moment ! Une excellente idée cadeau pour les fêtes ;-).

Vous l'aurez compris, le motif principal de mon escapade aura été cette exposition, qui m'a marquée à tel point qu'en me réveillant dimanche matin je croyais trouver la belle Jacqueline à mes côtés (quel beau rêve...). Il y avait bien quelqu'un mais c'était JP :-), l'un des trois amis céramophiles qui m'accompagnaient dans cette escapade. Zut ! 

Quelques photos du week-end :


- Dans le train, en train de relire le catalogue qui dispersera bientôt la première partie de ma collection de timbres-poste. On se moquait également de moi quand j'ai commencé à collectionner ces "sans grade" qu'étaient il y a 25 ans les timbres d'usage courant. Des figurines dont la valorisation m'a heureusement permis de collectionner la céramique et dont les plus intéressantes me permettront, je l'espère, de financer les débuts de ma future galerie. Plus que quelques jours avant le jour J...


- Après un sympathique déjeuner de collectionneurs aux Halles (merci à Clément et Fabrice pour leur accueil ;-), direction le superbe musée des Beaux-Arts, place des Terreaux, hélas défigurée par l'oeuvre (?) du sieur BUREN.


- Impossible de louper l'hypnotisante Jacqueline, présente un peu partout...


- Le musée est situé dans une ancienne abbaye de bénédictines, le "palais Saint-Pierre", dont le cloître est particulièrement romantique...


- Le HARTUNG de Jacqueline, que je ne pouvais bien sûr pas manquer. "T 1955-33" est un chef-doeuvre, acheté directement au peintre, peu après sa création, lors d'une visite d'atelier. Jacqueline DELUBAC achète son premier tableau en 1944, à la galerie Louis CARRÉ. Un DUFY peint deux ans auparavant, "L'atelier aux raisins". C'est au début des années 50 que les achats s'accélèrent. Elle sacrifiera pour cela les nombreux bijoux offerts par son ex, Sacha GUITRY. Jusqu'à la fin des années 60, elle s'offrira, en galerie mais aussi directement dans les ateliers, des oeuvres de BRAQUE, LÉGER, MIRO et bien sûr PICASSO. Dans les années 70 et 80, elle s'oriente vers des artistes proches des surréalistes et aux sujets plus difficiles, comme LAM et BRAUNER. En 1982, elle fera très fort en s'offrant deux somptueux BACON : "Carcasse de viande et oiseau de proie", une toile de 1980, puis "Étude pour une corrida n° 2", une oeuvre troublante de 1969 qu'elle accrochera dans sa salle à manger. Assez peu d'oeuvres au bout du compte (35) mais maîtresses, fortes et plutôt de grand format. Des photos permettent aux visiteurs de les apprécier in situ. A la différence de nombre de "collectionneurs" entreposant en ports francs, l'actrice vivait en effet avec ses bébés, estimés 300 millions d'€...


- Elle s'intéressera aussi aux arts décoratifs, comme ici avec cette lampe "expansion" de son ami CÉSAR, mais curieusement pas à la céramique. Et alors, Jacqueline :-) ?


- "Le" tableau de l'expo : "Femme assise sur la plage", une grande huile, fusain et pastel de PICASSO (131 x 163,5 cm). Une toile de 1937 dont la beauté m'a donné la chair de poule et que j'ai vraiment eu du mal à quitter. Une pure merveille, que vous ne pourrez vraiment apprécier pleinement qu'en l'ayant à portée d'oeil, ma photo ne lui rendant vraiment pas justice...


- L'actrice sous son tableau, dans son appartement parisien de l'avenue Élisée-RECLUS.


- Son MIRO : "Figure", un pastel de 1934 marouflé sur toile (108 x 72,8 cm).


- Son POLIAKOFF, "Composition" de 1955 (acquis auprès de l'artiste).


- "Étude pour une corrida n° 2" (1969), une immense (dans tous les sens du terme) huile de Francis BACON ornant la salle à manger de l'appartement parisien de l'actrice!


- Un grand portrait de Jacqueline DELUBAC par Bernard BUFFET, peint en 1953 (0,96 x 1,29 m). Une oeuvre glaçante mais superbe !


- Une lettre de Sacha (GUITRY) à Jacqueline, particulièrement émouvante (cliquez sur la photo pour l'agrandir et lire la lettre).


- Une photo (anonyme) de Jacqueline DELUBAC à 30 ans. Toujours aussi belle...


- Quelques robes de l'actrice, l'une des femmes les plus élégantes de Paris. "Jacqueline DELUBAC était une femme distinguée, fidèle à mes créations depuis toujours. Elle a incarné ce chic prêté à la Parisienne jusqu'à la fin de sa vie, poussant l'élégance jusqu'à sa manière d'être. Elle avait du style et du caractère et savait porter tous mes modèles... même les plus audacieux", disait d'elle le couturier Pierre CARDIN.


- Bals, sorties, réceptions : la belle vie, quoi ! Mais ce que miss DELUBAC aimait avant tout, c'était courir les galeries et les ateliers et prendre le Concorde pour aller voir une exposition à New York :-).


- Un cliché du photographe Bernard RICHEBÉ, l'actrice à la fin de sa vie, en robe asymétrique de Pierre CARDIN, clôture l'exposition. Au revoir Madame ! Et bravo !

A écouter : "Balade dans l'art", sur France Musique, qui nous emmène chez Jacqueline...

NB : si vous allez voir l'exposition, n'oubliez surtout pas de faire un tour à la librairie du musée car elle est particulièrement bien achalandée. J'en suis reparti très chargé...

Pas facile pour courir les galeries lyonnaises, du côté de la rue Auguste COMTE...


- Lyon by night, sur le chemin d'un restaurant digne de la gastronomie lyonnaise... L'église Saint-Jean (au premier plan) et la fameuse basilique Notre Dame de Fourvière.


- Lyon by night II. La passerelle du Palais de Justice, sur la Saône, l'un des 29 ponts lyonnais et un côté San Francisco...

Dimanche matin, après une courte nuit (ça parle beaucoup les collectionneurs ; il faut dire qu'avec leurs proches c'est hélas bien souvent "limité"...), direction les Puces du Canal. Nos amis lyonnais ont bien de la chance d'avoir ce beau terrain de chasse !


J'ai quitté Lyon en fin de matinée et bien chargé : beaucoup de livres, un masque de Jean AUSTRUY (très rare :-), un superbe THIRY et une technique mixte d'Antal BIRO, un peintre que j'apprécie et dont je vous ai déjà parlé (c'est ici). Petit coucou à Jean RIVIER, qui suit mes pérégrinations et a rencontré BIRO, de passage à Vallauris, et dont il conserve à bientôt 100 ans un excellent souvenir...


Petit coucou "bis" avec ce grand et superbe pied de lampe, mon dernier RIVIER :-).


J'avais aussi ce mini RUELLAND, que m'a cédé mon ami JP. Ah si toutes les céramiques mesuraient 4,5 cm de haut !


Arrêt déjeuner à Avignon, chez un couple d'amis, où j'ai récupéré un autre RUELLAND, un peu plus gros celui-ci...


En transit à Marseille, j'ai livré à l'ami Frédéric le remarquable Coq de Michel ANASSE qu'il attendait impatiemment ; un superbe modelage en terre noire, resté à l'état de biscuit. Marius, c'est son nom, a rejoint Jeannette :-), sa chouette du même artiste.


Une dernière pièce a rejoint ma besace dans la cité phocéenne : cette petite céramique architecturée de l'ami Fred (merci pour le cadeau ;-).

Une céramique qui a trouvé sa place à côté de l'un de mes ANASSE préférés, également architecturé : "Babel, code SVP ?".

Un bel hommage du jeune artiste à l'un de ses maîtres !

Photo en-tête du billet : Roger KAHAN, Jacqueline DELUBAC, BnF, Arts du spectacle, Fonds GUITRY. Droits réservés, © Succession DELUBAC.

17 commentaires:

  1. Parlera t on de moi , quand je me ferais écraser par un tracteur en sortant de Pôle emploi au 27 rue de la ruine et en me dirigeant vers Liddl ... ?

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    1. Oui... si ta vie n'aura pas été celle de Monsieur Tout-le-monde. Faut sortir du lot, quoi... et l'argent ne fait pas tout, loin de là et heureusement ! Après, tu peux opter pour la "solution Nabilla" :-), celle de notre pauvre époque, mais on parlera de toi 10 secondes et ce sera ensuite le néant absolu. Je te conseille donc plutôt de prendre exemple sur Jacqueline. Bon courage ;-).

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  2. C est une bien belle collection en effet à l initiative de cette femme à l œil de lynx! Dommage que vous ne puissiez illustrer ce billet avec quelques photos ...

    Dans un registre un peu différent et moins prestigieux j imagine que vous connaissez la fondation des Treilles qui abrite la collection d une autre femme : Anne Schlumberger.
    L ensemble est choisi et très intéressant .





    PS: Isabelle, dites vous que les " Jacqueline Delubac " n existent que dans les années 30 ...

    Bises à vous et bonne soirée

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    1. Les photos arriveront bientôt ;-).
      On ne peut en effet plus bâtir de telles collections de nos jours car l'art de qualité et relativement abordable pour les vrais collectionneurs (comme l'a été l'art contemporain il y a quelques décennies, ne l'oublions pas) est devenu rarissime. Il est en plus noyé au milieu de "produits financiers" pour gogos, ce qui ne facilite guère sa visibilité. Mais ça c'est une autre histoire...
      Bonne soirée également !

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    2. PS : il n'y a en effet plus de Jacqueline DELUBAC à notre époque, plus de vrais artistes et encore moins de grands marchands, dans le sens de marchands "passionnés" et croyant à leurs poulains. L'âge d'or de l'art et plus généralement de notre civilisation est derrière nous. Dans quelques décennies, nous ne serons plus là pour défendre et rendre hommage à tout ce beau monde et cette époque sera alors bien triste pour les quelques résistants qui auront émergé de "Nabillaland"...

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    3. PPS : excellent, le site de de la fondation des Treilles : http://www.les-treilles.com/. J'avais entendu parler d'Anne SCHLUMBERGER mais ignorais l'existence de sa fondation. Merci pour l'info !

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  3. C est qui ça Nabilla;)?
    Seriez vous déprimé ce soir?

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    1. Le symbole de notre époque :-). Pas du tout déprimé, rassurez-vous. Juste un peu las de la médiocrité ambiante. Allez donc voir l'expo DELUBAC et vous comprendrez...

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  4. Pour revenir (un peu) à la céramique:
    http://jeanlinard-patrimoine.regioncentre.fr/visite-fin
    ( une promenade)

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    1. Merci pour le lien ! Je me suis baladé chez LINARD il y a quelques années et en garde un excellent souvenir. Ses oeuvres ne sont pas faciles à dénicher ;-).

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  5. perso je suis déjà scotché par sa photo................. avant même sa collection, aussi importante soit elle

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    1. En effet ! Comment ne pas en tomber immédiatement amoureux ? Y a-t-il une Jacqueline DELUBAC dans la salle :-) ?

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  6. Merci pour les photos, petite préférence pour le Poliakoff, ( le Picasso est Hors Concours..:)

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    1. Il est pas mal du tout, en effet ! J'aime également beaucoup l'oeuvre de cet artiste. Allez donc rêver du coté de la galerie APPLICAT-PRAZAN, "la" référérence pour la nouvelle école de Paris. Il y a un superbe catalogue consacré à POLIAKOFF, lisible en ligne : http://www.applicat-prazan.com/publications/ Celui sur MATHIEU, autre grand peintre, est également époustouflant...

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    2. Oui en effet bonne adresse pour admirer de grands tableaux de Poliakoff et autres Mathieu !

      Et concernant ce portrait Jacqueline par Buffet il est totalement sidérant , incroyable!

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    3. Oui, ce BUFFET est vraiment sidérant. Jacqueline y est spectrale ! Quel tableau ! L'un des plus intéressants de l'expo et un BUFFET magistral !

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