jeudi 5 février 2015

Boleslaw DANIKOWSKI

Boleslaw DANIKOWSKI (1928-1979)
Sculpture "Personnage" (circa 1975)
H. 38 cm

Il y a quelques mois, en surfant sur le Net, je suis tombé sur une étonnante sculpture en céramique et métal d'un artiste dont je n'avais jamais entendu parler. J'avais noté son nom dans un coin de cerveau, DANIKOWSKI, car c'était là l'oeuvre d'un authentique artiste, mais pas approfondi mes recherches, faute de temps...

Ayant eu l'occasion d'acquérir en fin d'année un autre DANIKOWSKI, celui qui illustre ce billet, j'ai bien sûr cherché à en savoir plus et suis alors très vite remonté au site qui lui est consacré par l'un de ses enfants, Jérôme, également sculpteur.

Boleslaw (Bolek) était particulièrement modeste (il se considérait avant tout comme un artisan) et adepte du "pour vivre heureux vivons cachés". Pas étonnant dans ces conditions que son oeuvre soit aujourd'hui plutôt confidentielle !

Je laisse le soin de nous en parler à son épouse Thérèse, ancienne institutrice :


Boleslaw DANIKOWSKI est né le 19 septembre 1928 à Thumeries, dans le département du Nord. Ses parents, petits fermiers en Pologne, avaient émigré en France quelques années auparavant. Il avait trois soeurs, nées en Pologne, et il est le premier garçon, suivi d'un frère (Evariste, mort à Dien Bien Phu en 1954) et d'une soeur.

Il passe son enfance dans un coron appartenant à la famille BÉGHIN, propriétaire de la sucrerie où travaillait son père.

Dans ce village, la communauté polonaise est importante et Bolek apprend le français à son entrée à l'école primaire. Il entre au cours complémentaire de Thumeries en 1939, à l'âge de 11 ans ; sa scolarité est troublée par la guerre. Son institutrice remarque ses dons pour le dessin et incite ses parents à l'envoyer à l'école des Beaux-Arts de Lille. A son entrée, il est le plus jeune élève. Il est pris en pension dans un café à La Madeleine, où il fait le ménage en échange d'une petite chambre. Chaque semaine, il repart dans sa famille à Thumeries, faisant le plus souvent le trajet d'une vingtaine de kilomètres à pied et revenant chargé d'un sac de pommes de terre pour se nourrir. C'est dans cette école qu'il rencontre Jean BRISY avec lequel il se lie d'amitié.

A la fin de la guerre, il est envoyé en stage et choisit d'aller chez un artisan potier à Paray-le-Monial. C'est là qu'il apprend à tourner et décide alors de s'orienter vers la céramique, abandonnant la peinture.

A son retour dans le Nord, il cherche un endroit pour travailler et s'installe quelques mois à Mons-en-Pévèle, dans un réduit prêté par le curé. Puis, avec Jean BRISY, il occupe les ruines de la faïencerie du Moulin des Loups, à Orchies. L'usine avait été bombardée mais dans les décombres il reste des pains de terre, des sacs d'émaux et un four en ruine. Ils obtiennent l'autorisation de s'y installer pour travailler. Bolek habite dans ces décombres tandis que BRISY vit à Lille et cherche des débouchés pour leurs céramiques. Au bout de quelques temps, l'usine est rasée pour laisser place à de nouvelles constructions : Bolek doit chercher un autre endroit pour vivre. C'est à cette époque, en 1953, que nous nous marions. Nous habitons alors à Coutiches, dans une ancienne ferme ; il installe son atelier dans les dépendances, construit un tour et un four avec une grande cheminée ; il y a alors beaucoup de casse parmi sa production à cause du four à bois et au coke, avec lequel la cuisson est difficile à contrôler.

En 1955, nous déménageons avec notre premier enfant à Aix-les-Orchies où j'ai été nommée institutrice. Bolek loue d'abord une grange dans une ferme, y installe son atelier et construit un four alimenté au propane, qui s'avère inutilisable. Il décide alors d'acheter un four électrique ; le branchement électrique étant très coûteux, il construit un cabanon en bois à proximité du transformateur et installe son four au fond du jardin de l'école où j'enseigne. Le four donne de bons résultats si bien que matériellement la vie devient plus facile. Nous achetons ensuite une vieille ferme juste en face du transformateur. Bolek construit un atelier avec l'aide d'un vieux paysan, puis quelques années après la très belle maison où nos quatre enfants grandiront.

Il achète par la suite un deuxième four électrique avec une capacité plus importante, fabrique un concasseur de terre, des bacs de décantation, car il prépare lui-même sa terre en mélangeant des argiles qu'il va acheter dans les tuileries de Gournay-en-Bray, en Normandie.

Sa notoriété et sa clientèle augmentent et, pendant des années, il produit et crée des milliers de carreaux décorés et de pièces décoratives de toutes sortes. Parmi ses commandes les plus importantes, il y a tout d'abord, en 1955, la décoration du hall d'accueil du casino de Saint-Amand-les-Eaux avec des grandes pièces de céramique (rois, reines, cavaliers...). Il réalise également de grands panneaux de lave émaillée pour le restaurant universitaire de Lille puis pour l'usine Nord Aviation à Meaulte. Mais la plus grande partie de sa production est liée à l'entreprise "Votre Maison" qui produisait des meubles de grande qualité. Décorateur issu de l'école Boule, Robert GUILLERME avait créé avec son associé Jacques CHAMBRON un style de mobilier original et de qualité, incluant de nombreuses céramiques : carreaux décorés, éclairages, pendules, poignées de portes, cabochons décoratifs... Cette collaboration durera de 1953 à 1979, de nombreux clients de Votre maison venaient à l'atelier acheter ou commander des sculptures ou des laves émaillées.

La réputation de Bolek était ainsi bien établie auprès d'une clientèle fidèle. Mais jamais il ne voulut participer à des concours ou des manifestations officielles. Il refusait de se mettre en avant et fuyait toute action de promotion ou de communication. Il ne se considérait pas comme un artiste (bien qu'à mon avis il en fût un grand !) mais comme un artisan. Toujours curieux et inventif, il cherchait constamment de nouvelles techniques, mêlant métal ou bois dans ses oeuvres.

Cette quête incessante l'a conduit dans les dix dernières années de sa vie à aborder un nouveau domaine, la photographie. Il avait installé son laboratoire de développement dans la cave : il y réalisait des tirages grand format de portraits, paysages ou compositions diverses, qu'il coloriait parfois avec des encres.

En novembre 1979 une crise cardique l'emporta brusquement.

Boleslaw DANIKOWSKI a fait l'objet d'un petit livre, paru en 2008 aux éditions Le livre d'art, où vous retrouverez ce texte et de superbes photos montrant toute l'étendue de son talent, dues à son petit-fils Jonathan.

Pour voir des oeuvres de l'artiste, c'est ici.

IMPORTANT : ses créations ne sont jamais signées ni datées, à l'exception de quelques oeuvres des années 50. En cas de doute, consultez Jérôme, qui vous dira si vous avez affaire à un DANIKOWSKI ou pas.

Et si vous désirez en savoir plus sur les éditions Votre Maison, allez donc faire un petit tour sur le blog de ce véritable passionné !

4 commentaires:

  1. Merci Pascal pour cette belle découverte ! la sculpture céramique anthropomorphique, on adore ! A très bientôt

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    1. Moi aussi. Merci pour votre accueil hier et à très bientôt !

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  2. Un chic type ce Bolek ...humble et talentueux . Je suis allé voir son oeuvre par le lien ... j aime beaucoup les sculptures céramique avec des petites boules ( à la Pelletier ) et la lave émaillée

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    1. ... et courageux le bonhomme ! On en fait plus des comme ça, hélas. Bolek était très imaginatif et excellent technicien. Très belle oeuvre ! A bientôt ;-).

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