En attendant de la faire encadrer, elle est accrochée incognito au-dessus de mes deux plus beaux Coqs de Michel ANASSE via son très beau sac d'origine en toile de jute et le résultat est, ma foi, plutôt sympathique :
Cet exemplaire n'est pas n'importe lequel ; il a une histoire puisqu'il a constitué le Prix Suzanne et Georges RAMIÉ de la XIIe Biennale de céramique de Vallauris, récompense attribuée en 1990 à Salvatore PARISI.
A propos de PICASSO, la SVV ADER proposera bientôt une céramique unique de l'artiste, offerte à Charles NEVEUX, fondateur de l'atelier CERENNE :
C'est assez exceptionnel, la plupart des pièces uniques de l'artiste - environ 4.000, quand même ! - étant en possession de sa famille ou dans des musées.
Je vous livre la notice in extenso. Elle est un peu longue - c'est un PICASSO ! - mais faites l'effort de la lire car riche d'anecdotes et particulièrement instructive sur Charles NEVEUX et l'atelier CERENNE :
Tête de Faune, oeuvre originale exécutée par lartiste. Céramique réalisée
Pour Charles Neveux et Madame à Vallauris le 10.2.54. Plat circulaire
légèrement creux. Terre de faïence blanche tournée. Décor gravé au
couteau sous couverte, blanc, vert et aux engobes sous couverte
partielle au pinceau. Le marli formant envoi manuscrit Pour Charles
Neveux et Madame est signé PICASSO, situé Vallauris et daté 10.2.54.
Porte au dos le cachet CÉRENNE Vallauris (Atelier fondé par Charles
Neveux) en creux. Diamètre : 25,1 cm. Important : un certificat de Claude
Ruiz Picasso sera remis à lacquéreur. L'histoire dun plat ou la
rencontre entre Pablo Picasso et Charles Neveux. Même si on a coutume de
dire que seules les montagnes ne se rencontrent pas, celles-ci se sont
croisées, côtoyées et fréquentées. Pouvait-il en être réellement
autrement ? Dun côté, Pablo Picasso, un artiste dune stature
hors-normes, à laura exceptionnelle, qui pèse de tout son poids
décennie après décennie, travaille jour après jour à construire et
poursuivre son oeuvre, lOeuvre du vingtième siècle, et qui, dès quil
veut travailler la céramique, plus férocement encore que lors de ses
précédentes tentatives sporadiques, parvient à la transcender, lui
donner cette dimension que nul autre navait soupçonnée, voire imaginée.
Aussitôt il révolutionne cet art du feu, linscrit dans les arts
majeurs, donne naissance à toute une kyrielle de potiers, certains très
talentueux, dautres moins, et envoûte de son image, si proche et si
éloignée à la fois, la petite cité méridionale de Vallauris. Dès lors
lattirance pour le personnage est plus que palpable dans les rues du
village, la fascination pour loeuvre submerge même les plus humbles et
les moins sensibles aux (r)évolutions artistiques. De lautre, le
fondateur de la Poterie Cérenne, Charles Neveux, une personnalité
attachante, curieuse, charmeuse, un homme plein daudace et dentrain,
ambitieux au sens le plus noble du terme, un entrepreneur doublé dun
humaniste, toujours à lécoute de ceux qui lentouraient, toujours à les
considérer, à les aimer, sachant aussi réserver une place de choix à
ses hôtes et, afin dimmortaliser leur passage*, tenant toujours prêt, à
leur disposition, un plat, suffisamment humide et raisonnablement sec,
engobé ou non, pour quils y gravent un souvenir ému. Il prenait soin
ensuite daccrocher ces témoignages potiers sur les murs de son bureau,
situé au-dessus des ateliers et de la galerie de lavenue Georges
Clemenceau. Sans compter le respect mutuel que devaient se porter ces
deux personnages et cet amour partagé pour le travail de largile, ils
avaient en commun cette sensibilité si particulière à la gent animale.
On connaît bien la relation de Pablo Picasso avec ses animaux
domestiques, les ayant toujours vénérés, leur conférant une place de
choix dans sa vie, même aux heures les plus noires, les plus miséreuses
de son existence car, contrairement à la légende, il connut des années
de vaches maigres, même très maigres, surtout les premières passées en
France, jalonnées de retours épisodiques en Espagne, dont certains ont
failli être définitifs (laventure de lart au XXe siècle en aurait été
bien différente alors), ses premiers temps aussi passés avec Fernande.
Jamais le peintre ne céda aux sirènes du confort, refusant de travailler
pour les journaux, alors que le maître du trait quil était aurait pu
facilement lui permettre de leur livrer des dessins. Travailleur féroce
et acharné, sachant intimement quil possédait en lui ce qui allait être
lavenir de lart, il ne fit jamais de concessions pour rendre sa vie
plus facile, se remettant à louvrage, jour après jour, nuit après nuit,
jusquà trouver la voie de sa propre expression; cette expression dune
telle intensité quelle bouleversera la peinture à tout jamais et sera
le fondement dune nouvelle articulation universelle de lart. En cette
année 1954, lartiste avait un boxer appelé Yan, âgé de cinq ans, que
rejoindra le teckel Lump en 1957, les deux chiens devaient être
immortalisés sur une célèbre photographie prise sur la terrasse de la
propriété La Californie, entourés quils étaient des sculptures de
lartiste. Durant cette période, Charles Neveux possédait également un
boxer, une femelle, qui suivait son maître partout dans les ateliers,
véritable mascotte de la poterie. Vint lidée aux deux hommes de donner à
leurs chiens une lignée commune. Était-ce pour célébrer cette union
canine ou tout simplement loccasion pour le peintre de témoigner de son
estime envers cette figure vallaurienne, probablement les deux à la
fois, toujours est-il que Pablo Picasso, ce 10 février 1954, grava cette
tête de faune au fond dun plat, acheminé vierge des ateliers, puis en
exécuta la décoration et le dédicaça spécialement à Charles Neveux et
son épouse, avant de le signer et de le dater. Alors que les oeuvres
originales quil réalisa quelques jours auparavant chez les Ramié, tout
comme celle créée le lendemain même, furent exposées à la Maison de la
Pensée Française entre mars et juin, le plat fait pour les époux Neveux,
fut gardé jalousement par ces derniers et suspendu au mur du bureau de
lavenue Georges Clemenceau à Vallauris. Nous tenons à adresser nos plus
vifs remerciements à Francis Crociani, décorateur et proche
collaborateur de Charles Neveux, pour les informations extrêmement
précieuses quil nous a livrées. Nous lui sommes aussi très
reconnaissants de nous avoir fait plonger, durant le temps de notre
conversation, dans cette Vallauris de 1954 et de nous avoir fait sentir
ce soleil du Sud inonder ce village en pleine effervescence artistique.
Enfin, nous lui exprimons toute notre gratitude pour nous avoir fait
partager un peu de ce quil est, un être magnifique et intense, dun
enthousiasme, dune fraîcheur, dune jeunesse, bien quâgé de
quatre-vingt-quatre ans, et dune foi en lavenir rarement rencontrés.
* A propos de Charles Neveux. Il avait une façon originale de tenir un
livre dor : il présentait à chacun de ses hôtes de marque une assiette
encore fraîche, engobée ou non, et leur faisait graver leur signature au
bas de leur maxime favorite, voire un dessin, selon leur goût ou leur
talent ; Jean Anouilh, a inscrit pour sa part en octobre 1952 : "Pour la
première et dernière fois jécris quelque chose qui restera... si lon
ne casse pas lassiette". La liste qui suit donne une idée du renom du
village potier : Gilbert Bécaud, la duchesse de Devonshire, le
compositeur Louis Amade, Christian-Jaque et Martine Carol, la danseuse
Hélène Sauvaneix, le prince Ali Khan et Yvonne de Carlo, qui a ajouté
une caricature de ce dernier avec sa "couronne à la gavroche". Extrait de
la page 158 de louvrage "Lâge dOr de Vallauris" par Anne Lajoix. Les
Éditions de lAmateur, Paris, 1995.
Elle est estimée 20.000 à 30.000 €, un prix particulièrement élevé pour ce qui n'est, après tout, qu'un autographe "amélioré". Pour un tel budget on peut avoir beaucoup mieux en matière de céramique 50, comme un beau RATY par exemple. Et là il n'y a vraiment pas photo !
A propos de photo, il y en avait une belle dans la dernière vente aux enchères cannoise de Mes ISSALY et PICHON, un cliché représentant le maître bien entouré (à Vallauris ?), signé de sa main et surtout agrémenté d'un petit oiseau qui en fait sans nul doute le plus petit PICASSO existant :
Elle a fait 1.250 € avec les frais...
Peu de céramiques intéressantes croisées lors de ma balade niçoise ce samedi. Je suis quand même rentré avec ce joli petit MADOURA dont la forme - les ouvertures "explosives" sont particulièrement originales - et la délicate couleur bleu pastel ne pouvaient que me séduire :
Acquisition effectuée à la galerie des Docks, tenue par la toujours aussi charmante et dynamique Nicole MAHIEU ; une galerie que je vous recommande si vous passez à Nice, d'autant plus que c'est l'une des rares à proposer du bon XXe dans le coin !
Les plus intéressantes n'étaient pas (encore ;-) à vendre car "en cours" dans l'atelier de mon ami Salvatore PARISI :
- Une série de curieux oiseaux, particulièrement épurés, qu'il prépare en vue d'une exposition à la galerie Céramiques du Château, à Antibes, spécialisée dans le négoce des céramiques de PICASSO. Ici le plus grand, qui mesure près de 70 cm de long !
- Un splendide groupe de "bouteilles" cubistes.
- De très belles et grandes (jusqu'à environ 60 cm) formes totémiques.
J'ai vraiment hâte de les voir émaillées, bien qu'elles "fonctionnent" déjà très bien ainsi...
En me raccompagnant à la gare, Salvatore (sur la photo) m'a fait découvir un beau panneau mural de Roger CAPRON, une commande pour la boulangerie située à l'angle de la rue Beaumont et de l'avenue de la République :
A part ça, mon FREDERICK est à présent bien en place - pas de grasse matinée dimanche matin ! - et Le Festin apparaît encore plus rutilant avec un tel arrière-plan :
Il est très fier de son papa, Marc ALBERGHINA, qui vient d'obtenir le Prix du Jury à la 17e Biennale internationale de céramique de Châteauroux pour "Flaque", une oeuvre très léchée, aussi belle qu'inquiétante car semblant émerger d'un quelconque cataclysme :
"Flaque : emprisonnés dans un email "givré", telle une nature morte, sont présentés les restes d'une histoire et son corbeau (1)". |
Bravo Marc !
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