Cet été, quand j'ai vu la publicité de la SVV TAJAN dans la Gazette annonçant une vente de "céramiques d'exception" les 19 et 20 septembre, je me suis senti un peu mal, les vacances approchant et n'étant guère propices au économies...
Fausse alerte ! Il y avait bien des "céramiques d'exception", mais hélas fort peu dans la partie qui nous intéresse. La preuve ? Un taux d'invendus très élevé, seules 24 pièces trouvant preneur, les estimations bien trop généreuses n'ayant en plus rien arrangé.
De mon côté, je n'ai pas eu de chance car le principal lot qui m'intéressait est l'un des rares à s'être "envolé", dépassant mon budget. Grrr !
344 lots figuraient au menu de cette vente, qui se tenait au superbe espace TAJAN de la rue des Mathurins : 248 céramiques semi-modernes, sur lesquelles je ne m'étendrai pas, ne connaissant pas du tout le sujet, 94 céramiques modernes et enfin deux "céramiques" contemporaines, que je ne commenterai également pas, mais cette fois-ci parce que je risquerais de m'énerver un peu...
Revenons donc à nos moutons, avec quelques résultats notables, forcément subjectifs :
- Les MADOURA (16 lots) n'étaient pas vraiment extraordinaires, à part deux vases balustre "à oreilles" (un seul fut vendu, le n° 250, ci-dessus : 1.913 €, sur une estimation de 1.500 à 2.000 €) et un splendide et très impressionnant vase colonne de 76 cm (lot n° 260, illustrant ce billet), curieusement invendu (estimé 4 à 6.000 €). A acquérir en après-vente, si vos moyens vous le permettent, bien sûr...
- Robert DEBLANDER était représenté par trois pièces : un grand vase architecture (41,3 cm) de 1965 (lot n°264, ci-dessus), une très belle pièce, qui a fait 4.590 € (il était estimé 2.500 à 3.000 €), un vase tronconique en grès de la même époque mais vraiment banal (et très mal émaillé), logiquement invendu (lot n° 268, estimé 1.800 à 2.200 €) et enfin un autre vase tronconique, mais en porcelaine bleue au décor abstrait scarifié, également invendu (lot n° 336, estimé 1.500 à 2.000 €).
- Quatre JOULIA. Les deux plus beaux à mon goût (n° 270 et surtout 271, un superbe vase "amande" en grès pyrité) sont restés invendus. Les deux autres (n° 265 et 269, ci-dessus) ont respectivement atteint 4.463 et 5.100 €. Franchement, ou j'ai un goût disons "à affiner" ou alors c'est le seul snobisme qui a poussé cette "chose" de 44 cm (un "grand vase en grès, circa 1965-1970, formant forme dressée") à ce prix indécent...
- La pièce la plus volumineuse de la vente, un très impressionnant vase architecture du céramiste Albert VALLET, mesurant 76 cm de haut, restait invendue (lot n° 266, estimé 4.500 à 6.000 €), probablement en raison du manque de notoriété de l'artiste, mais surtout d'une estimation dissuasive.
- Valentine SCHLEGEL récoltait le meilleur résultat - 19.764 € ! - pour un vase émaillé blanc cassé jaspé de gris modelé à la main, d'inspiration végétale, dite "Odette", qui était estimé 15 à 20.000 € (lot n° 274, ci-dessus, sur un cliché d'époque). Personnellement, je ne le trouve pas vraiment exceptionnel et préfère de loin le vase noir figurant à côté, qui, lui, est une vraie "céramique d'exception". Un bon pedigrée fait parfois beaucoup...
- Le grand JOUVE était représenté par sept pièces. Une seule vente : un vase à décor de volutes de 1943 (période de Dieulefit), noir, à reflets métalliques. Unique, façon de parler, il recueillait 11.476 € (lot n° 276, estimé 9 à 12.000 €. Très bien vendu à mon goût. Le lot vedette de la sélection, une "exceptionnelle table basse de grande taille, le plateau étant formé d'une succession de neuf rangées de fins carreaux modelés à l'unité, recouverts d'un riche émail blanc, inclus dans une nappe de béton gris clair, créant un rythme architecturé" est resté sur le carreau (c'est le cas de le dire ;-), malgré sa qualité et sa rareté (cf photo - très chic ! - d'un exemplaire similaire in situ, ci-dessus, tirée du célèbre ouvrage de Michel FARE). La faute à l'estimation : 80 à 100.000 €. Un jour, peut-être, quand les milliardaires russes ou chinois auront été perfusés de culture céramique. On peut rêver, parce que vu leur niveau artistique (je sais de quoi je parle, j'en vois tous les jours à Monaco), va falloir y aller sec côté perfusion...
- La grande soeur du maestro, Denise GATARD, n'a pas brillé, tout comme sa consoeur Véra SZÉKÉLY. Deux pièces chacunes, bien moyennes à mon goût. Une seule céramique vendue, pour SZÉKÉLY : un "grand pot couvert" (lot n° 273), adjugé 6.630 €.
- Suivaient un immonde IVANOFF (estimé 1.500 à 2.000 €, invendu), un TIFFOCHE banal (adjugé 1.530 €, sur une estimation de 1.500 à 2.000 €) et une lampe de Guidette CARBONNELL, certes à la stylisation épurée mais trop "tremblotante" à mon goût. Cela ne l'a pas empêchée de grimper jusqu'à 7.030 € (lot n° 286, estimé 5 à 8.000 €).
- Au tour de Jean DERVAL. L'étude proposait cinq céramiques, bien datées, de belle taille, mais pas vraiment exceptionnelles. Une seule a trouvé preneur, une belle coupe-sculpture représentant un cameraman assis. Estimée 4 à 6.000 €, elle a fait 4.845 € (lot n° 292). Personnellement, j'ai failli enchérir pour la plaque formant bas-relief décoratif reproduite ci-dessus (lot n° 290). Elle était estimée 1.200 € à 1.500 €, ce qui était tout à fait raisonnable. A acquérir éventuellement en après-vente...
- Les 5 lots suivants étaient de belles céramiques de Vallauris (PEROT, MALARMEY, LES ARGONAUTES et DEREL). Belles mais surestimées. Et donc rebelote : invendues.
- Le céramiste André Aleth MASSON était quant à lui représenté par une superbe et spectaculaire (77 cm !) lampe architecture à poser de 1962 (lot n° 299). Une vraie "céramique d'exception", mais hélas invendue, probablement en raison de la notoriété de son auteur, encore insuffisante. L'estimation était conséquente (12 à 18.000 €) mais justifiée. Si vous ne connaissez pas encore l'oeuvre de ce grand céramiste, procurez-vous absolument la monographie de référence que Thomas LEPORRIER lui a consacré. Un "beau livre", bien écrit et magnifiquement illustré !
- Une lampe sculpture très originale d'Yves MOHY (lot n° 300) ne trouvait pas preneur, malgré une estimation raisonnable (1.200 à 1.800 €), tout comme un (petit : 16 cm) vase du trio BORDERIE SZÉKÉLY (P. et V.), estimé 3 à 4.000 € (lot n° 301).
- Gustave TIFFOCHE récoltait 4.590 € pour un grand vase buste en grès de 41 cm de haut (lot n° 302). Il n'était estimé que 2 à 3.000 €. Très bien vendu, à mon avis.
- Jacques INNOCENTI était représenté par 4 grandes pièces, une coupe (lot n° 303, ci-dessus), un plat, un vase et un pichet, tous invendus car surestimés. La coupe était particulièrement belle et, tous comptes faits, pas si chère que cela (2 à 3.000 €).
- Même scénario pour les deux KOSTANDA (pas terribles), les deux plats du Grand chêne, le vase zoomorphe de Jacques POUCHAIN (bien moyen), le vase ovoïde de Pierre ROULOT (bof), le CALLIS dégoulinant et le beau pichet de Juliette DEREL.
- Les LACAF étaients représentés par un grand pichet, une impressionnante sculpture "roue" de 47,5 cm de diamètre et une grande coupe creuse légèrement tronconique au décor de "dragons" (lot n° 320, ci-dessus, estimé 2 à 3.000 €). Les trois pièces n'ont pas trouvé preneur. C'est particulièrement étonnant pour la coupe, vraiment superbe.
- Roger CAPRON était représenté par un grand plat (39 cm de diamètre), superbe (lot n° 321, ci dessus), curieusement invendu car estimé raisonnablement (1.000 à 1.500 €), tout comme, et là c'est normal, un (très moche) pot à tabac (lot n° 322, 2 à 3.000 € !) et un grand vase à oreille noir métallisé (lot n° 323, estimé 3.500 à 4.500 €), probablement car ce dernier n'était pas signé. Un peu plus loin dans la vente (lot n° 331), un grand vase à piètement tronconique décoré d'une fleur et d'un oiseau ne trouvait également pas preneur. Il était estimé 1.500 à 2.000 €. Bigre...
- Un seul ACCOLAY au menu : une énorme coupe formant vaisseau (72,5 cm de long sur 51,3 de haut), invendue car plus que surestimée (2 à 3.000 €).
- Deux PICAULT de taille remarquable suivaient. Un vase de 41,5 cm de haut et un plat de 57,8 cm de diamètre. Leur décor étant banal (des gibbons et une poule) et l'estimation élevée (2 à 3.000 € chaque), ils sont bien sûr restés invendus. La taille ne fait pas tout...
- Georges GOUZY, céramiste méconnu de Bormes-les-Mimosas était représenté par deux belles faïences, ludiques : un grand vase balustre de 37,2 cm (lot n° 328 ci-dessus) et un flacon, invendus, les estimations étant encore une fois fantaisistes (1.000 à 1.500 € pour le vase).
- Jacques et Dani RUELLAND, pour terminer, étaient représentés par quatre pièces de qualité, estimées intelligemment - enfin ! - et qui donc trouvèrent toutes preneur. Il s'agissait d'un vase lenticulaire, vendu 1.530 € (estimé 1.200 à 1.500 €), un grand vase boule, vendu 1.913 € (estimé 1.200 à 1.500 €), une superbe paire de "roseaux", qui a atteint 3.825 € (estimée 1.200 à 1.500 €) et, enfin, un magnifique petit vase boule "Aurel" décoré d'un exceptionnel surémaillage gris jaspé sur fond noir (ci-dessus), qui a fait 3.060 € (estimé 800 à 1.000 €). C'était l'un des plus beaux lots de la vente, et bien sûr celui que j'ai manqué :-(.
Le marché de la céramique des années 50 étant jeune et pour l'instant principalement animé par des passionnés n'ayant pas du tout les mêmes moyens que les amateurs d'art disons "plus traditionnel", il serait peut-être tant que les vendeurs arrêtent un peu de rêver, notamment pour tout ce qui n'est pas "céramique d'exception".
C'était à mon avis la conclusion qui s'imposait après cette vente.
Hello Pascal,
RépondreSupprimerJ'étais présent le jour de la vente et je vous trouve bien sévère. Il y avait de très belles pièces (les photos ne rendaient pas forcément justice) et à ma connaissance, tout a été vendu. La table de Jouve est partie à 74000€ avant commission. Un Szekely (un pot à couvercle) est parti à plus de 5000€.
Tout était un peu surcôté mais globalement les pièces ont trouvé preneuses. ou alors les acheteurs se sont tous défilés ensuite.
Les pièces de Derval étaient magnifiques. Un grand guerrier et un plat tripode superbes. Le cameraman était une pièce géniale. Une merveille de finesse et d'humour.
Non, vraiment,bien sévère, pascal, là dessus !
Bonjour Pierre,
RépondreSupprimerC'est vrai, j'ai été sévère. Mais qui aime bien châtie bien ;-).
Tout a été vendu ? A priori non, cf résultats : http://www.tajan.com/fr/asp_v2/results.asp. Les prix de réserve n'ont pas été atteints.
Le cameraman de DERVAL était sympa, en effet, mais le pot de SZEKELY... Il a fait 6.630 € (lot n° 273). Franchement, je trouve ce prix complètement délirant car l'objet n'a, pour moi, aucun charme particulier. S'il avait été produit par un autre potier, il n'aurait pas fait le centième de cette somme. Pur snobisme à mon avis.
Il y avait de belles pièces, c'est sûr, mais les "céramique d'exception" étaient quand même... exceptionnelles.
Bonne continuation !
bonjour.je profite de cette visite sur ce blog pour vous demander quel livre pourrait eclairer ma lanterne sur cet artiste de Bormes les MIMOSAS.GEORGES GOUZY.
RépondreSupprimercordialement.
Bonjour Laurent,
SupprimerJe n'ai hélas aucune info sur cette artiste. J'essaierai dans savoir plus lors d'une prochaine balade à Bormes.
Alors à bientôt !
Je suis assez d'accord sur la survaluation basée sur des effets de modes ou de promotions partiales.
RépondreSupprimerLes prix affichés pour des Caprons standards [fabriqué en séries industrielles, pour grand public] et qui étaient exposés à la terrasse du magasin Capron, à l'époque, sont tout à fait 'délirant'; mais la majorité semble suivre.
La qualité devrait guider les prix.
Le 'snobisme' contribue à faire ignorer des inconnus dont le talent est à découvrir.
Thant mieux pour les collectioneurs aux petits moyens.
Gérard
http://keramicconversations.blogspot.co.uk/
Sauriez-vous me dire qui a inventé l'émail 'écume de mer'?
Bonsoir Gérard,
RépondreSupprimer100 % d'accord avec vous ! Tant mieux pour ceux qui savent aller au-delà des modes. Il est heureusement encore possible de dénicher de bien plus belles pièces que celles qui sont consacrées par la marché. Profitons-en ;-).
J'ignore hélas qui a inventé de fameux émail "écume de mer".
Bravo pour votre blog !
Pascal