L'enseigne de l'atelier de René MAUREL,
encore en place à côté de la tour de l'Horloge |
Samedi après-midi, cap sur le charmant petit village de Tourrettes-sur-Loup, dans l'arrière-pays niçois, en compagnie de mon ami Salvatore PARISI, guide idéal car il y a vécu et travaillé durant une vingtaine d'années, reprenant en 1980 l'atelier de son maître, le céramiste Paul BADIÉ.
Au menu de l'escapade : une belle exposition, "La mythologie de Jean BRANDY", et la découverte du vieux village, que je ne connaissais que parce qu'il avait accueilli le céramiste René MAUREL dans les années 50.
La seconde partie du vingtième siècle compte nombre d'artistes de qualité, célèbres en leur temps, que leur disparition et notre ingratitude ont malheureusement conduit à un quasi oubli. Jean BRANDY est l'un d'entre eux et cette très belle exposition le remet en selle auprès d'une génération qui ne l'a pas connu. Artiste passionné, "Seule une cause majeure (la mort) pourra m'empêcher de peindre" (gravement malade, il créa jusqu'à son dernier souffle), BRANDY a un univers qui n'appartient qu'à lui, clair, synthétique et joyeusement coloré (quelle magnifique palette !), utilisant toutes les techniques pour s'exprimer : dessin, gouache, huile, sable et, à partir de 1973, céramique.
L'exposition, qui a lieu dans le magnifique espace muséal du château-mairie jusqu'au 26 octobre (1), présente une trentaine d'oeuvres (huiles et gouaches) d'une même série datant de 1975 sur le thème des mythes et récits légendaires de la Grèce antique ainsi que des dessins, céramiques et sables sur le même thème, créés entre 1966 et 1989.
En voici un petit aperçu photographique :
- "La corne d'abondance" (huile et acrylique sur toile, 54 x 65 cm).
- "L'enlèvement d'Europe" (huile et acrylique sur toile, 54 x 65 cm).
- "L'oiseleur" (huile et sable sur toile, 65 x 50cm, vers 1970).
- "Poséidon et le cheval marin" (circa 20 x 30 cm, panneau de céramique, 1976).
- "Tête de bélier" (vase en céramique, environ 40 cm de haut, 1981).
- "Dionysos", impressionnant et superbe plat en céramique de 1981, mesurant au moins 40 cm de diamètre et dans lequel on sent l'influence d'Albert THIRY, son maître, au niveau de l'émaillage. Le dessin n'appartient par contre qu'à lui :
Si vous êtes observateur, vous aurez remarqué que l'artiste utilisait des "tampons" pour figurer les yeux et certains détails, vestimentaires notamment :
Et pour terminer, une sympathique petite chouette oenophile :
En résumé : chapeau bas, Monsieur BRANDY !
(1) Jusqu'au 26 octobre. Un magnifique catalogue l'accompagne. A ne pas manquer, notamment si vous ne pouvez faire le déplacement ;-).
- La tour de l'Horloge, par laquelle on accède au vieux village. Sur la gauche, l'ancien atelier du céramiste René MAUREL.
- Il fait bon vivre dans le vieux Tourrettes.
- Une porte bien ancienne. J'adore photographier les portes et en ai une très belle collection ;-).
- Salvatore devant son ancien atelier, "La voûte", dans lequel il débuta sa formation de céramiste en 1977, sous l'aile de Paul BADIÉ. Il reprit ensuite l'atelier jusqu'en 1995.
- Un BASQUIAT tourretan !
- Personnellement, je préfère ce vieux bout de bois gravé fiché sur une porte depuis des lustres...
- Ombre et lumière.
- Pour vivre heureux vivons cachés...
- Petit chat de Tourrettes, dis-mois : vois-tu PRÉVERT rêver sur les remparts ?
Une belle balade, à refaire sous l'astre solaire ;-).
- Deux PARISI adoubés par le grand JOUVE !
- Impressionnante, cette coupe (créée en 2005), avec sa forme massive évoquant une géode fracturée et son fabuleux émaillage, noir satiné et vert céladon mat.
- Le surlendemain, je décide d'en profiter au bureau et la remplace sur ma table de travail par la somptueuse boîte "Baou" (un terme provençal signifiant "rocher escarpé"), qui me tient compagnie au moment où je termine ce billet et sur laquelle je m'évade de temps à autre, cheminant mentalement au sein de ce véritable paysage minéral si bien décrit par le critique d'art niçois Jean FORNERIS lors de l'exposition de la série :
SALVATORE PARISI : BAOUS ET RIOUS
De terre, d'eau et de feu, Salvatore PARISI a maîtrisé depuis longtemps une oeuvre qui s'impose aujourd'hui avec une force peu commune. Habile dans les arts du feu, il sait éviter les pièges de la seule recherche esthétique. En effet, son rapport viscéral à la terre, en tant qu'élément primordial, matriciel, est un enjeu majeur dont il ne s'est jamais départi.
Arpenteur solitaire, il n'a donc jamais cessé d'interroger la Terre-Mère, ses mouvements énigmatiques, ses strates, ses failles, ses anfractuosités, toute une histoire immémoriale qui n'est que défi à notre propre finitude. La terre est donc pour lui non seulement un matériau de base qui ne serait là que pour être "informé", mis en oeuvre, mais encore et surtout la secrète origine des diverses phases d'un parcours déjà fort riche ; une oeuvre se dégageant progressivement des formes abstraites, voire reliée à un usage quotidien, pour entrer en dialogue avec la Terre. Éclosions, Stèles, Fragments d'une mémoire, Personnages, Sismographies digitales...
Dès 2005, s'impose à lui une forme récurrente à travers la perception catalysante d'une boîte chinoise à émail vert, d'époque Han, appelée Lian, sorte d'urne à trois pieds décorés, destinée à conserver des produits rares, mais qu'il imagine en tant qu'urne cinéraire. Cet objet, dont le couvercle simule la symbolique montagne chinoise associée au principe Yang, le confirme dans sa radicale prise de conscience de la minéralité universelle. En d'autres termes, cette traversée du regard lui impose la prégnance minérale de l'univers, et partant, de notre propre minéralité génétique, éventuellement conservée dans les urnes cinéraires fantasmées dans la proximité de l'objet catalysant. D'où la gestation d'une nouvelle phase de la créativité de PARISI, qui, à partir d'un élément antique ne saurait faire fi de l'art d'aujourd'hui.
C'est ainsi que surgiront Baous et Rious. D'abord les Baous. Selon son habitude, il ne renonce pas à son désir de jouer avec l'objet créé : la massivité rassurante des urnes-baous est contrariée par leur possible fragmentation; celles-ci se prêtent alors à la fêlure, les fragments pouvant être disposés au gré du jeu. La cohérence formelle est assujettie à la "lucidité" de l'objet urne-baou et encore plus à l'aura qui trouve alors son origine à sa référence aux très présents Baous méditerranéens, promontoires, sentinelles de l'arrière-pays cagnois : le Baou de Vence et – encore plus célèbre – le Baou de Saint-Jeannet.
Ce quadrilatère privilégié jadis le canton de Vence, avec ses augustes murailles, n'a cessé d'attirer les artistes et c'est ainsi que la majesté montagneuse des deux Baous fut immortalisée par de nombreux peintres, dont Félix ZIEM, Claude MONET, lors de son parcours méditerranéen, et Raoul DUFY. Certains ont même cru discerner une évocation du Baou de Saint-Jeannet dans une ou deux fameuses peintures de Nicolas POUSSIN !
Sublimes murailles qui à la fois fascinent et inquiètent, tels les hauts lieux de l'Antiquité où les hommes y situaient les dieux et les manifestations du divin. Salvatore PARISI retrouve ainsi la fascination pour cette terre provençale en sa diversité, des formations érodées des Maures et de l'Estérel à la Sainte-Victoire toute auréolée de sa gloire pré-cubiste, en une fascination qui traverse en sa totalité le chef-d'oeuvre de Peter WEIR, Picnic at Hanging Rock. L'Estérel lui avait déjà inspiré ses oeuvres fragmentées précédentes ; le Baou au contraire, lui offre une forme massive et rassurante. Et PARISI de jouer avec la tension qui "anime", à l'instar des Baous, ses propres créations éponymes : en un double mouvement entre l'essentielle massivité tellurique et l'élancement vers l'infini du ciel. Cette tension, loin d'annihiler ces forces contraires, donne aux Baous et Rious cette plénitude que le spectateur éprouve face à ces paysages emblématiques.
Pour Salvatore PARISI, une montagne ne saurait être pensée comme une réalité inerte, dépourvue d'une vie propre ; pour lui, à l'instar du corps humain, cette forme d'apparence inorganique, est une entité bien vivante, avec ses grottes et cavernes, ses failles, éboulis, ses réseaux de sources rejoignant les cascades accidentées des Rious. Dès lors, ce qui, chez PARISI, était pensé à l'origine en terme de contenant – Urne-Baou – s'est progressivement émancipé pour n'être plus que la massivité complexe de l'objet dense "Baous et Rious", refusant alors toute référence utilitaire étroitement liée au rapport contenu-contenant.
D'où un parcours exemplaire : à partir d'un objet culturel – voire cultuel ! – catalyseur jusqu'à la prise de conscience de la minéralité universelle. Cette identification "matérielle" de et par la Terre génère alors chez l'artiste un nouvel objet de méditation : refaire sa propre montagne. Tels se manifestent Les Baous et Rious.
Jean FORNERIS (Nice, septembre 2009)
La seconde partie du vingtième siècle compte nombre d'artistes de qualité, célèbres en leur temps, que leur disparition et notre ingratitude ont malheureusement conduit à un quasi oubli. Jean BRANDY est l'un d'entre eux et cette très belle exposition le remet en selle auprès d'une génération qui ne l'a pas connu. Artiste passionné, "Seule une cause majeure (la mort) pourra m'empêcher de peindre" (gravement malade, il créa jusqu'à son dernier souffle), BRANDY a un univers qui n'appartient qu'à lui, clair, synthétique et joyeusement coloré (quelle magnifique palette !), utilisant toutes les techniques pour s'exprimer : dessin, gouache, huile, sable et, à partir de 1973, céramique.
L'exposition, qui a lieu dans le magnifique espace muséal du château-mairie jusqu'au 26 octobre (1), présente une trentaine d'oeuvres (huiles et gouaches) d'une même série datant de 1975 sur le thème des mythes et récits légendaires de la Grèce antique ainsi que des dessins, céramiques et sables sur le même thème, créés entre 1966 et 1989.
En voici un petit aperçu photographique :
- "La corne d'abondance" (huile et acrylique sur toile, 54 x 65 cm).
- "L'enlèvement d'Europe" (huile et acrylique sur toile, 54 x 65 cm).
- "L'oiseleur" (huile et sable sur toile, 65 x 50cm, vers 1970).
- "Poséidon et le cheval marin" (circa 20 x 30 cm, panneau de céramique, 1976).
- "Tête de bélier" (vase en céramique, environ 40 cm de haut, 1981).
- "Dionysos", impressionnant et superbe plat en céramique de 1981, mesurant au moins 40 cm de diamètre et dans lequel on sent l'influence d'Albert THIRY, son maître, au niveau de l'émaillage. Le dessin n'appartient par contre qu'à lui :
Si vous êtes observateur, vous aurez remarqué que l'artiste utilisait des "tampons" pour figurer les yeux et certains détails, vestimentaires notamment :
Et pour terminer, une sympathique petite chouette oenophile :
En résumé : chapeau bas, Monsieur BRANDY !
(1) Jusqu'au 26 octobre. Un magnifique catalogue l'accompagne. A ne pas manquer, notamment si vous ne pouvez faire le déplacement ;-).
***
Il ne faisait pas très beau lorsque
Salvatore m'a fait découvrir le centre historique de son petit village,
un centre médiéval et construit sur un éperon rocheux tombant à pic, mais
l'amateur de vieilles pierres que je suis a apprécié, même s'il aurait
bien aimé faire la balade une quarantaine d'années plus tôt.
Voici en effet ce qu'en disait Gilbert DELAHAYE en 1966, dans son fameux Guide des artisans et créateurs de France :
Tourrettes-sur-Loup, cité du tissage à la main.
Tourrettes-sur-Loup, c'est peut-être le village perché le plus sensationnel de tout l'arrière-pays niçois ; celui qui offre la vue la plus pittoresque au voyageur qui l'aborde par la route de Grasse (je confirme : la vue est sublime et l'oeil s'y balade, enchanté, du Cap d'Antibes à l'Estérel).
Cité de la violette, elle est surtout celle celle du tissage à la main. Dans ses ruelles tortueuses, on entend battre les métiers. Cinq échoppes de tisserands proposent toute une gamme d'étoffes diverses de belle qualité. mais Tourettes abrite également d'autres artisans de talent qui ont trouvé là le calme et la beauté nécessaires à l'accomplissement de leur métier.
Depuis, la culture de la violette a cessé et les ruelles sont bien silencieuses, les artisans d'art de qualité ont presque tous disparu, laissant la place à des échoppes de souvenirs de pacotille et il n'y a hélas plus que des fantômes de l'âge d'or dans les ruelles, ceux de René MAUREL, Jacques PRÉVERT, Françis POULENC et de tant d'autres hôtes illustres...
Voici en effet ce qu'en disait Gilbert DELAHAYE en 1966, dans son fameux Guide des artisans et créateurs de France :
Tourrettes-sur-Loup, cité du tissage à la main.
Tourrettes-sur-Loup, c'est peut-être le village perché le plus sensationnel de tout l'arrière-pays niçois ; celui qui offre la vue la plus pittoresque au voyageur qui l'aborde par la route de Grasse (je confirme : la vue est sublime et l'oeil s'y balade, enchanté, du Cap d'Antibes à l'Estérel).
Cité de la violette, elle est surtout celle celle du tissage à la main. Dans ses ruelles tortueuses, on entend battre les métiers. Cinq échoppes de tisserands proposent toute une gamme d'étoffes diverses de belle qualité. mais Tourettes abrite également d'autres artisans de talent qui ont trouvé là le calme et la beauté nécessaires à l'accomplissement de leur métier.
Depuis, la culture de la violette a cessé et les ruelles sont bien silencieuses, les artisans d'art de qualité ont presque tous disparu, laissant la place à des échoppes de souvenirs de pacotille et il n'y a hélas plus que des fantômes de l'âge d'or dans les ruelles, ceux de René MAUREL, Jacques PRÉVERT, Françis POULENC et de tant d'autres hôtes illustres...
- La tour de l'Horloge, par laquelle on accède au vieux village. Sur la gauche, l'ancien atelier du céramiste René MAUREL.
- Il fait bon vivre dans le vieux Tourrettes.
- Une porte bien ancienne. J'adore photographier les portes et en ai une très belle collection ;-).
- Salvatore devant son ancien atelier, "La voûte", dans lequel il débuta sa formation de céramiste en 1977, sous l'aile de Paul BADIÉ. Il reprit ensuite l'atelier jusqu'en 1995.
- Un BASQUIAT tourretan !
- Personnellement, je préfère ce vieux bout de bois gravé fiché sur une porte depuis des lustres...
- Ombre et lumière.
- Pour vivre heureux vivons cachés...
- Petit chat de Tourrettes, dis-mois : vois-tu PRÉVERT rêver sur les remparts ?
Une belle balade, à refaire sous l'astre solaire ;-).
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La journée s'est achevée par un sympathique dîner entre amis, après que Salvatore et sa chère et tendre Marie-Jeanne m'aient livré deux... PARISI, une superbe coupe "cratère" et une onirique boîte-urne de la série "Baous et Rious" :
- Deux PARISI adoubés par le grand JOUVE !
- Impressionnante, cette coupe (créée en 2005), avec sa forme massive évoquant une géode fracturée et son fabuleux émaillage, noir satiné et vert céladon mat.
- Le surlendemain, je décide d'en profiter au bureau et la remplace sur ma table de travail par la somptueuse boîte "Baou" (un terme provençal signifiant "rocher escarpé"), qui me tient compagnie au moment où je termine ce billet et sur laquelle je m'évade de temps à autre, cheminant mentalement au sein de ce véritable paysage minéral si bien décrit par le critique d'art niçois Jean FORNERIS lors de l'exposition de la série :
SALVATORE PARISI : BAOUS ET RIOUS
De terre, d'eau et de feu, Salvatore PARISI a maîtrisé depuis longtemps une oeuvre qui s'impose aujourd'hui avec une force peu commune. Habile dans les arts du feu, il sait éviter les pièges de la seule recherche esthétique. En effet, son rapport viscéral à la terre, en tant qu'élément primordial, matriciel, est un enjeu majeur dont il ne s'est jamais départi.
Arpenteur solitaire, il n'a donc jamais cessé d'interroger la Terre-Mère, ses mouvements énigmatiques, ses strates, ses failles, ses anfractuosités, toute une histoire immémoriale qui n'est que défi à notre propre finitude. La terre est donc pour lui non seulement un matériau de base qui ne serait là que pour être "informé", mis en oeuvre, mais encore et surtout la secrète origine des diverses phases d'un parcours déjà fort riche ; une oeuvre se dégageant progressivement des formes abstraites, voire reliée à un usage quotidien, pour entrer en dialogue avec la Terre. Éclosions, Stèles, Fragments d'une mémoire, Personnages, Sismographies digitales...
Dès 2005, s'impose à lui une forme récurrente à travers la perception catalysante d'une boîte chinoise à émail vert, d'époque Han, appelée Lian, sorte d'urne à trois pieds décorés, destinée à conserver des produits rares, mais qu'il imagine en tant qu'urne cinéraire. Cet objet, dont le couvercle simule la symbolique montagne chinoise associée au principe Yang, le confirme dans sa radicale prise de conscience de la minéralité universelle. En d'autres termes, cette traversée du regard lui impose la prégnance minérale de l'univers, et partant, de notre propre minéralité génétique, éventuellement conservée dans les urnes cinéraires fantasmées dans la proximité de l'objet catalysant. D'où la gestation d'une nouvelle phase de la créativité de PARISI, qui, à partir d'un élément antique ne saurait faire fi de l'art d'aujourd'hui.
C'est ainsi que surgiront Baous et Rious. D'abord les Baous. Selon son habitude, il ne renonce pas à son désir de jouer avec l'objet créé : la massivité rassurante des urnes-baous est contrariée par leur possible fragmentation; celles-ci se prêtent alors à la fêlure, les fragments pouvant être disposés au gré du jeu. La cohérence formelle est assujettie à la "lucidité" de l'objet urne-baou et encore plus à l'aura qui trouve alors son origine à sa référence aux très présents Baous méditerranéens, promontoires, sentinelles de l'arrière-pays cagnois : le Baou de Vence et – encore plus célèbre – le Baou de Saint-Jeannet.
Ce quadrilatère privilégié jadis le canton de Vence, avec ses augustes murailles, n'a cessé d'attirer les artistes et c'est ainsi que la majesté montagneuse des deux Baous fut immortalisée par de nombreux peintres, dont Félix ZIEM, Claude MONET, lors de son parcours méditerranéen, et Raoul DUFY. Certains ont même cru discerner une évocation du Baou de Saint-Jeannet dans une ou deux fameuses peintures de Nicolas POUSSIN !
Sublimes murailles qui à la fois fascinent et inquiètent, tels les hauts lieux de l'Antiquité où les hommes y situaient les dieux et les manifestations du divin. Salvatore PARISI retrouve ainsi la fascination pour cette terre provençale en sa diversité, des formations érodées des Maures et de l'Estérel à la Sainte-Victoire toute auréolée de sa gloire pré-cubiste, en une fascination qui traverse en sa totalité le chef-d'oeuvre de Peter WEIR, Picnic at Hanging Rock. L'Estérel lui avait déjà inspiré ses oeuvres fragmentées précédentes ; le Baou au contraire, lui offre une forme massive et rassurante. Et PARISI de jouer avec la tension qui "anime", à l'instar des Baous, ses propres créations éponymes : en un double mouvement entre l'essentielle massivité tellurique et l'élancement vers l'infini du ciel. Cette tension, loin d'annihiler ces forces contraires, donne aux Baous et Rious cette plénitude que le spectateur éprouve face à ces paysages emblématiques.
Pour Salvatore PARISI, une montagne ne saurait être pensée comme une réalité inerte, dépourvue d'une vie propre ; pour lui, à l'instar du corps humain, cette forme d'apparence inorganique, est une entité bien vivante, avec ses grottes et cavernes, ses failles, éboulis, ses réseaux de sources rejoignant les cascades accidentées des Rious. Dès lors, ce qui, chez PARISI, était pensé à l'origine en terme de contenant – Urne-Baou – s'est progressivement émancipé pour n'être plus que la massivité complexe de l'objet dense "Baous et Rious", refusant alors toute référence utilitaire étroitement liée au rapport contenu-contenant.
D'où un parcours exemplaire : à partir d'un objet culturel – voire cultuel ! – catalyseur jusqu'à la prise de conscience de la minéralité universelle. Cette identification "matérielle" de et par la Terre génère alors chez l'artiste un nouvel objet de méditation : refaire sa propre montagne. Tels se manifestent Les Baous et Rious.
Jean FORNERIS (Nice, septembre 2009)
normal, y a rien à rajouter, y a plus qu'à habiter la montagne, avant d'habiter la boite...
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