Marc ALBERGHINA (né en 1959) "Crâne" (2012)
H. 13 cm, l. 12 cm, pr. 16,5 cm
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Fin provisoire de ma "période bleue" avec ce superbe ALBERGHINA.
Cette céramique fait partie d'une série de 53, conçue par l'artiste pour l'expo Vanitas vanitatum omnia vanitas qui s'est déroulée au Fil Rouge à Roubaix, l'an dernier, et dont je conserve un très bon souvenir pour l'avoir vue. Pourquoi 53 ? Tout simplement parce que c'était l'âge de l'ami Marc au moment où il a débuté sa série !
La Voix du Nord a publié le 23 janvier 2013 un article sur son travail, sous la plume de Brigitte LEMERY, un article remarquable et que vous livre in extenso car je n'aurais vraiment pas mieux fait :
Très répandues en peinture au XVIe et XVIIe siècle, les vanités jouaient le rôle de Memento Mori, de rappel constant de la brièveté de la vie. Le crâne humain était alors, avec le sablier, les fleurs fanées, un des symboles utilisés. Et à l'époque, représenter un crâne, ça ne choquait personne ! L'allégorie était le passage obligé pour représenter la vanité des plaisirs terrestres, du pouvoir, des plaisirs et des sens.
Mais aujourd'hui, paradoxalement, dans une société débridée comme la nôtre, exposer crânes et ossements, même émaillés, peut susciter polémique et incompréhension. Marc Alberghina, le céramiste invité par la galerie Le Fil Rouge et le Bureau d'Art et de Recherche en sait quelque chose. Plusieurs de ses pièces ont déjà subi les assauts violents de détracteurs anonymes et les "réactions quasi tribales" d'un collectif de céramistes, à Vallauris en 2007 où il les exposait pour la première fois.
Le festin, une oeuvre très impressionnante, représentant la partie supérieure d'un squelette juché dans un plat, a ainsi été détruite.
Recréée par Alberghina, elle sera présentée à La Piscine. Le Cercueil recomposé avec 45 vases en céramique qui avait aussi été abîmé, sera visible au BAR. Ses trois Portraits en bustes, (au coeur recouvert d'émaux flammés, comme fraîchement extirpé du corps humain et greffé), ainsi que ses trois Saint Sébastien (qui partiront bientôt à New-York) participent de la même volonté de frapper les esprits. À découvrir comme ses 53 crânes émaillés dans l'esprit de Vallauris, où Marc Alberghina puise matière à réflexion... et à sensation.
Savant mix sicilien-normand, cet ancien tourneur en céramique qui se définit plus "comme un plasticien que comme un céramiste", construit aujourd'hui une oeuvre polémique autour de la céramique "mercantile et kitsch" de Vallauris. Un petit village du Sud de la France de tradition potière qui a été rendu célèbre par de nombreux artistes dont Picasso, mais hélas rattrapé par le tourisme de masse et la volonté, parfois, de vendre tout et n'importe quoi. Marc Alberghina joue pleinement du "kitsch et du spectaculaire" perceptibles dans nombre d'objets de décoration provenant de Vallauris. L'artiste pose un regard impertinent, sans concession, sur "une micro société qui a connu un point culminant et une chute" et au-delà sur la nôtre, qu'il juge aussi sur le déclin. Son oeuvre l'Usine, composée d'os en céramique émaillée, évoque ainsi le lent déclin de l'industrie. Cette oeuvre symbole exposée dans la vitrine de la Q.S.P. prend tout son sens à Roubaix !
Découvrir l'oeuvre d'Alberghina, c'est donc se confronter à une certaine idée de la vie et de la mort, à la désespérance d'une époque, à la déchéance inéluctable du corps, masquée, le temps d'une vie, par quelques artifices, ici colorés, chromés, brillants ou mats, granuleux ou lisses, flammés ou givrés.
À l'image de ces émaux travaillés à l'acide par projection ou accidentels, laissant apparaître fissures, points de rupture et lignes de fractures. Les stigmates d'une vie, d'un monde.
Cette série a été jubilatoire pour l'artiste car elle lui a permis de faire "revivre" tous les émaux utilisés à Vallauris, de son âge d'or à son âge de plomb (surtout ;-), déclinés tel un scientifique sur une même forme-éprouvette : le crâne, un support expérimental tourné puis patiemment modelé (chaque crâne est unique).
Sur cet exemplaire, l'émail particulièrement épais et irrégulier rappelle étonnamment les circonvolutions du cerveau humain.
Il est signé "Marc ALBERGHINA" sous la base, à l'aide d'une étiquette dorée un brin kitsch, voulue et renforçant ainsi son côté "vanité".
Provenance : atelier de l'artiste.
Inv. PM MAlb 3 i
J'aime vraiment beaucoup les Créations Vaniteuses de cet Artiste, et je trouve ses variations et ses recherches d'émaux fascinant!! ^^
RépondreSupprimerTrès belle recherche d'émaux en effet. L'effet sériel est très intéressant et je suis bien placé pour le savoir : j'en ai 7 :-).
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